Représentant le Bâtonnier
Christian Charrière-Bournazel, Rachel Lindon et Matthieu
Brochier, 4ème et 6ème Secrétaires, se sont
rendus à Phnom-Penh au Cambodge pour assister aux audiences de
plaidoiries dans l'affaire concernant Douch, ancien khmer rouge
accusé de crimes contre l'humanité pour avoir dirigé
le centre S21. Ils livrent leurs impressions quotidiennes.
La
journée du 24 novembre 2009 a été consacrée
aux "observations finales" des deux co-procureurs.
Il
faut rappeler que le procès qui se déroule devant les
Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens ("CETC")
est une affaire pénale internationale particulière en
raison du statut "hybride" des CETC : c'est une juridiction
"mixte", cambodgienne et internationale, composée de
professionnels du droit cambodgiens et internationaux.
Ainsi, sur
les 5 juges du fond, 3 sont cambodgiens (dont le Président Nil
Nonn) et deux sont "internationaux" : Silvia Cartwright
(Nouvelle Zélande) et Jean-Marc Lavergne (France). Cette règle
s'applique également aux juges d'instruction, aux avocats et
aux deux co-procureurs : Chea Leang et William Smith (Australie).
Il
existe 3 langues officielles pour le Tribunal : khmer, en anglais ou
en français. Les observations orales de chaque partie sont
traduites instantanément dans les deux autres langues. Des
hauts parleurs diffusent dans la salle la voix khmer pour le public
cambodgien présent, tandis que des casques mis à
disposition permettent d'écouter les deux autres langues. Ce
détail technique a eu une grande importance aujourd'hui.
Les
deux procureurs ont pris la parole pour rappeler les normes
applicables et les chefs d'inculpation retenus contre de Douch. Les
infractions reprochées sont issues du droit international (en
particulier : crime contre l'humanité, contravention à
la convention de Genève) et cambodgiens (crimes et délits
de droit communs commis dans l'enceinte du centre S21).
Les
co-procureurs ont ensuite requis pour démontrer la culpabilité
de l'accusé. Ils ont rappelé les témoignages de
familles de personnes décédées ou maltraitées
dans le camp S21 ; les traitements étaient inhumains, les
tortures fréquentes, tout autant que la malnutrition et les
maladies.
Le co-procureur Smith a notamment rappelé le
témoignage de François Bizot. Ce dernier, ethnologue,
a décrit dans un livre devenu célèbre ("Le
portail") ses mois de captivité dans un centre des khmers
rouges en 1971. François Bizot a été capturé
alors qu'il était au venu au Cambodge pour un travail de
recherche sur la religion bouddhiste. Il a été retenu
deux mois et demi, accusé d'être membre de la CIA. Après
d'innombrables interrogatoires menés par Douch, celui-ci s'est
convaincu de l'innocence du jeune chercheur et l'a relaché.
Rescapé, François Bizot a décrit dans son livre
ses propos échangés avec Douch pendant sa captivité,
portant sur les méthodes d'interrogatoire et les violences
perpétrées.
Les co-procureurs devaient entamer
la dernière partie de leurs observations pour requérir
une peine contre Douch quand ... le système de transmission
des traductions a disjoncté. Or, sans traduction simultanée,
le procès ne peut continuer puisqu'aucun de ses acteurs ne
parle la même langue. Le Tribunal a ainsi dû ajourner les
débats un peu plus tôt que prévu.
Demain,
le 25 novembre, les 2 co-procureurs cambodgiens et australien
termineront donc leurs réquisitions, avant de laisser la
parole à la défense.