Ainsi qu’il était prévisible, la Cour de cassation vient de confirmer que les gardes à vue effectuées sans avocat par le passé étaient contestables. Reste maintenant à assurer l’essentiel : que l’organisation de l’intervention des avocats en garde à vue, telle que la loi la prévoit, permette un exercice effectif des droits de la défense.
C'est la raison pour laquelle la Conférence a déposé ce jour devant le Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité concernant certaines dispositions la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.
De nouveau, la Conférence se réjouit de la présence de l’avocat en garde à vue pour laquelle elle avait bataillé en 2010. Pour autant, force est de constater que le législateur n’a pas tiré les conséquences des exigences constitutionnelles ayant donné lieu à cette réforme, et que le régime prévu par la loi continue de porter atteinte à certains droits fondamentaux constitutionnellement reconnus.
Au principal, la Conférence soutient que le principe doit être que l’avocat doit avoir accès au dossier en garde à vue. Si, dans des circonstances réellement exceptionnelles (et non pas par le truchement d’un imprimé préétabli), il pourrait être concevable que certaines informations soient gardées secrètes (par exemple, le nom d’un policier infiltré), tel ne peut pas être le principe. Or c’est précisément ce que fait la loi du 14 avril 2011 en prévoyant, sans exception, un corpus extrêmement limité de documents auxquels l’avocat peut avoir accès. Ces dispositions constituent une atteinte, notamment, aux principes constitutionnellement reconnus de l’effectivité des droits de la défense et de l’équilibre entre l’accusation et la défense.
Par ailleurs, il est soutenu par le mémoire déposé par la Conférence qu’un certain nombre d’autres caractéristiques du régime introduit par la loi portent atteinte aux principes constitutionnels, en particulier que :
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l’accès à l’avocat doit être assuré à tous les suspects, et non seulement lorsqu’une contrainte est exercée ;
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l’avocat doit être présent aux actes de procédure autres que les auditions et confrontations (notamment les perquisitions);
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la conduite de l'interrogation par l’officier de police ne doit pas nuire à l'effectivité des droits de la défense, notamment à la possibilité pour l'avocat de poser des questions ; et
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la détermination du calendrier d’auditions par les services de police doit être encadrée.
La Conférence a décidé d’être représentée auprès du Conseil d’Etat par Monsieur Louis Boré, ancien Secrétaire de la Conférence et avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.
Les Secrétaires de la Conférence prolongeront cette initiative par des recours systématiques assortis de questions prioritaires de constitutionnalité dans le cadre des commissions d’office qu’ils assurent auprès de la 23ème Chambre du Tribunal Correctionnel, afin que cette initiative auprès du Conseil d’Etat soit doublée d’une initiative auprès de la Cour de cassation.