Représentant le Bâtonnier
Christian Charrière-Bournazel, Rachel Lindon et Matthieu
Brochier, 4ème et 6ème Secrétaires, se sont
rendus à Phnom-Penh au Cambodge pour assister aux audiences de
plaidoirie dans l'affaire concernant Douch, ancien khmer rouge accusé
de crimes contre l'humanité pour avoir dirigé le centre
S21. Ils livrent leurs impressions quotidiennes.
La
journée du 26 novembre 2009 a été marquée
par la plaidoirie de François Roux, avocat à
Montpellier, pour Douch.
Pour sa dernière plaidoirie
avant de rejoindre la direction de la défense du Tribunal
spécial pour le Liban, Francois Roux a pris la parole pendant
4 heures.
Il a d'abord fait comprendre qu'il aurait voulu
plaider coupable pour Douch, mais qu'il en était empêché
depuis l'inattendue demande d'acquittement, formulée par la
veille par son confrère cambodgien. Francois Roux a tout de
même insisté sur la reconnaissance par son client de sa
responsabilité.
Il a évoqué l'affaire
Obrenovic, haut militaire impliqué dans les massacres de
Sebrenica, au cours de laquelle le Procureur avait tenu compte dans
ses réquisitions de la coopération de l'accusé
et de sa reconnaissance de responsabilité. Francois Roux a
fait diffuser une vidéo des réquisitions dans l'affaire
Obrenovic, dans laquelle on voit le Procureur particulièrement
ému quand il prend la parole et remercie Obrenovic d'avoir
participé à la recherche de la vérité.
Francois Roux a expliqué que les réquisitions dans
l'affaire Douch auraient dû être similaires, mais que
l'accusation, en requérant "violemment contre un homme à
genoux", s'était "trompé de
procès".
L'avocat a surtout dénoncé
le discours classique et "usé" de l'accusation, qui
se contente d'affirmer que le mis en cause est un criminel dangereux
qui mérite d'être exclu de la société et
emprisonné. Selon Maître Roux, les co-procureurs ont
évité la vraie question : il aurait été
nécessaire d'élever le débat de part et d'autre
de la barre, afin que ce procès aide à déterminer
comment un homme bon a pu devenir un bourreau. C'est à cette
condition seulement que le procès et la peine pourraient être
exemplaires.
L'avocat a insisté sur le fait que Douch
n'était pas un dirigeant du parti des khmers rouges, qu'il
avait servi un parti révolutionnaire et qu'il était
persuadé d'oeuvrer pour le bien de son pays avant de réaliser
qu'il participait à une entreprise criminelle. Francois Roux
est revenu sur les regrets sincères émis par son
client, qui s'est même effondré en larmes lors de la
reconstitution des faits au camps S21.
L'avocat français
a voulu démontrer que le seul crime dont son client pouvait
être coupable est celui d'avoir obéi aux ordres de ses
supérieurs: un crime "d'obéissance ou de
soumission", illustrant ses propos par des travaux de
philosophes tels que La Boétie ou Arendt.
François
Roux a enfin plaidé la peine, rappelant les circonstances
atténuantes applicables en l'espèce : les ordres reçus,
les regrets exprimés, la coopération et l'avis des
experts selon lesquels Douch est réinserable.
Francois
Roux a conclu en demandant si un homme condamné pour
crime contre l'humanité pouvait être réinséré
et si Douch pouvait être aujourd'hui utile à l'humanité.
L'avocat a répondu par l'affirmative aux deux questions,
rappelant qu'Obrenovic avait été condamné à
17 ans de prison et Albert Sperr (ministre d'Hitler) à 20 ans
de réclusion.
La procédure devant les CETC
prévoit des répliques pour chaque partie. Les parties
civiles ont ainsi eu 1 heure pour répondre aux avocats de
Douch. Demain matin, les co-procureurs reprendront la parole, avant
de la laisser une dernière fois à la défense.