Par une décision en date du 30 juillet 2010
faisant suite à sa saisine, par la Cour de cassation, de questions prioritaires
de constitutionnalité posées par 36 requérants, le Conseil constitutionnel a
déclaré contraires à la Constitution les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas
1er à 6, et 77 du Code de procédure pénale.
Il a ainsi fait droit à l’argumentation
soulevée par Guillaume Hannotin, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et les Secrétaires de la Conférence, ainsi que
de nombreux autres Confrères, qui contestaient la constitutionnalité du régime
de droit commun de la garde à vue.
Le Conseil constitutionnel a écarté
l’argument du Gouvernement selon lequel les articles 63, 63-1, 63-4 et 77 du
Code de procédure pénale avaient d’ores et déjà été déclarés conformes à la
Constitution aux termes de la décision n° 93-326 DC du 11 août 1993.
Selon lui, en effet, diverses modifications
des circonstances de droit et de fait justifiaient un nouvel examen du régime
de la garde à vue et, notamment :
- le
recours accru à la garde à vue, y compris pour des infractions mineures,
qui a contribué à ce que plus de 790 000 gardes à vue aient eu lieu en 2009.
- la
proportion des procédures soumises à une instruction préparatoire, qui
représentent désormais moins de 3% des dossiers ;
- le
fait qu’aujourd’hui, une personne est le plus souvent jugée sur la base
des seuls éléments de preuve rassemblés avant l'expiration de sa garde à
vue, laquelle est ainsi devenue la phase principale de constitution
du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne mise en cause
;
- l’augmentation
du nombre d’officiers de police judiciaire, qui est passé de 25 000 à 53
000 entre 1993 et 2009.
A l’appui de sa décision, le Conseil
constitutionnel a jugé que, compte tenu des évolutions survenues depuis près de
vingt ans, les dispositions susvisées n’offraient pas les garanties appropriées
encadrant le recours à la garde à vue et assurant la protection des droits de
la défense dès lors que toute personne suspectée d'avoir commis une infraction
peut être placée en garde à vue, quelle que soit la gravité des faits, sans
recevoir la notification de son droit de garder le silence et sans bénéficier
de l'assistance effective d'un avocat.
Il en résulte, selon le Conseil, un
déséquilibre entre l’exigence de prévention des atteintes à l'ordre public et
la recherche des auteurs d'infraction, d’une part, et l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties, d’autre part.
S’agissant de l’applicabilité dans le temps
de sa décision, le Conseil constitutionnel a jugé :
- que l'abrogation
immédiate des articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du Code de
procédure pénale aurait méconnu les objectifs de prévention des atteintes à
l'ordre public et de recherche des auteurs d'infraction et aurait entraîné des
conséquences manifestement excessives ;
- qu’il ne disposait
pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement
afin de déterminer les modifications de la procédure pénale de nature à
remédier à l'inconstitutionnalité constatée.
C’est la raison pour laquelle il a reporté
dans le temps les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité au 1er
juillet 2011, les règles en vigueur continuant à s'appliquer, d’ici à cette
date.
La Conférence du Barreau de Paris remercie
très chaleureusement Guillaume Hannotin pour son rôle essentiel, ainsi que l’ensemble des Confrères qui
ont également posé des questions prioritaires de constitutionnalité
relatives au régime de la garde à vue.
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