Suite à la publication dans le Bulletin du Bâtonnier du 14 octobre 2009 d'un appel des Secrétaires de la Conférence à l'application de l'article 706-106 du CPP, le site actuel avocat a souhaité en savoir plus. Ci-dessous l'entretien réalisé avec Matthieu Brochier, 6ème Secrétaire de la Conférence.
Article 706-106 CPP : un texte "méconnu"
et "peu appliqué" (source : www.actuel-avocat.fr)
Les secrétaires
parisiens de la Conférence ont constaté, au cours de leurs permanences, que
l'article 706-106 du CPP n'était pas appliqué de manière systématique alors
qu'il prévoit l'assistance d'un avocat dans certains cas de comparutions
immédiates. Les jeunes avocats appellent au dépôt de conclusions de nullité. Explications
de Matthieu Brochier , 6ème secrétaire.
Au cours de vos permanences, vous avez pu
constater que l'article 706-106 du code de procédure pénale (CPP) n'était pas
"systématiquement" appliqué dans les procédures de comparution
immédiate. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Matthieu Brochier - En principe, la personne concernée par une
procédure de comparution immédiate comparaît seule devant le procureur de la
République, avant d'être déférée devant la formation de jugement. Par
exception, l'article 706-106 prévoit que, pour certaines infractions, en
particulier le trafic de stupéfiants, le prévenu doit être assisté d'un avocat
quand il est présenté au procureur. Le conseil doit, au préalable, pouvoir
consulter le dossier s'entretenir avec son client. L'examen des débats
parlementaires montre que l'article 706- 106 a été introduit pour préserver les
droits de la défense, au moment où le procureur décide de la suite de la
procédure (jugement en comparution immédiate ou ouverture d'une instruction).
Mais ce texte est
récent, il a été créé par la loi "Perben II" du 9 mars 2004, et il
reste encore méconnu. Au cours de leurs permanences pénales quotidiennes, les
secrétaires de la Conférence ont constaté que l'article 706-106 n'était pas
appliqué à Paris. Après des recherches juridiques et sur internet (sur les
blogs juridiques de Maître Eolas et Maître Mo), nous avons réalisé que ce texte
n'était pas systématiquement appliqué en France. Par exemple, Il est appliqué à
Bobigny, mais il ne l'est pas à Paris et ne l'était pas à Lille.
Il est également affirmé que la non application de
cette disposition est un motif de nullité du procès verbal de comparution
immédiate "qui doit être systématiquement soulevé, ainsi que certaines
juridictions l'ont récemment jugé". Pouvez-vous également préciser ce
point ?
Matthieu Brochier - Nous ne pouvons pas accepter qu'une loi
prévoyant l'assistance d'un avocat lors de la présentation d'une personne
devant un magistrat ne soit pas appliquée. C'est une violation qui cause un
grief grave à la personne mise en cause, car elle est injustement privée d'un
conseil. Cela doit avoir comme conséquence la nullité de la procédure de
comparution immédiate.
Cette violation
est suffisamment grave pour que notre Bâtonnier accepte de publier un petit mot
dans le Bulletin pour attirer l'attention des avocats qui plaident en
comparution immédiate sur l'existence de ce texte. Il est en effet nécessaire
que ce texte soit connu et que chaque entorse soit dénoncée devant les
tribunaux. La Cour d'appel de Pau et le TGI de Lille ont annulé des procédures
de comparution immédiate évoquant une atteinte manifeste aux droits de la
défense. A Paris , les juges semblent partagés mais la 23 ème chambre section 1
a cependant récemment annulé deux procès-verbaux de comparution immédiate sur
ce même fondement.
La Conférence propose sur son site internet un
modèle d'écritures. Ces actions sont-elles suivies d'effet ? Qu'espérez-vous
désormais ?
Matthieu Brochier - Nous avons publié sur internet des conclusions
de nullité pour faire connaître l'article 706-106 et proposer à nos confrères
un modèle qu'il suffit de remplir. Il faut savoir qu'en comparution immédiate,
le travail de l'avocat se déroule toujours dans l'urgence : les dossiers sont
étudiés entre 10h du matin et midi, les entretiens avec les personnes déférées
entre midi et 13h30, avant le début de l'audience à 13h30. Dans ces conditions,
l'avocat n'a pas le temps de rédiger des conclusions. Le modèle que nous
proposons peut donc être utile.
Ces écritures ont
déjà été téléchargées par un grand nombre de personnes. Nous espérons qu'elles
seront utilisées, autant que les conclusions de nullité que nous avions
proposées en raison de l'insalubrité du dépôt du Palais de Justice. Ces
dernières avaient été téléchargées et défendues par plusieurs de nos confrères,
avec comme aboutissement la nullité de plusieurs procédures le 28 mai dernier.
Bien sûr, la
meilleure solution serait que l'article 706-106 soit appliqué à Paris et par
tous les Parquets de France, pour que la personne déférée puisse effectivement bénéficier
d'un avocat dans les conditions prévues par la loi. Nous sommes convaincus que
c'est en parlant de ce texte qu'il sera connu et, enfin, systématiquement
appliqué.