De jeunes avocats ont profité jeudi
d'une audience de comparution immédiate pour dénoncer les conditions
"indignes" dans lesquelles sont détenus les prévenus au dépôt du Palais
de justice de Paris, dans l'attente de leur procès.
Cela faisait
plusieurs semaines que les 12 Secrétaires de la Conférence du Barreau
de Paris, ces avocats qui représentent le jeune barreau parisien et
assurent la défense pénale des plus démunis, fourbissaient leurs armes.
Inspirés
par leurs collègues de [Créteil - voir article dans le nouvel observateur], qui ont déjà obtenu l'annulation de
procédures en raison de l'insalubrité du dépôt, les avocats parisiens
sont passés à l'action à l'occasion de la défense d'un jeune poursuivi
pour avoir agressé des policiers.
Des cellules minuscules,
délabrées, éclairées en permanence, sans matelas et sans intimité.
Voilà le portrait peu glorieux qu'ont brossé ces avocats des sous-sols
d'un des plus prestigieux monuments de Paris.
Pour eux, le dépôt
n'a rien du "local spécialement aménagé" prévu par les textes. "Vous ne
pouvez pas juger des gens qui ont passé 20 heures dans des conditions
inacceptables", se sont-ils indignés devant la présidente Vivianne
Bourgeois.
"Le problème existe depuis des années. La presse en
parle, l'Europe en parle, mais les politiques ne s'y intéressent
absolument pas. C'est un coup de pinceau avant que le commissaire
européen n'arrive. Des réformettes. (...) C'est indigne de notre
justice", a plaidé Me Pierre de Nayves, rappelant que depuis 1993, le
dépôt est régulièrement condamné par le Comité de prévention de la
torture.
En outre, a plaidé Me Cédric Labrousse, au dépôt, un
prévenu devrait "pouvoir s'alimenter, voir un médecin et un avocat".
Seulement, aucun document "ne prouve que ces droits lui ont été
notifiés et encore moins qu'il a pu les exercer".
Le procès-verbal de comparution immédiate doit donc être annulé et le prévenu libéré, a-t-il conclu.
Reconnaissant
des "conditions difficilement acceptables", la représentante du parquet
elle-même a déposé les armes, s'abstenant de prendre des réquisitions.
"Le
dépôt, ce n'est pas un quatre étoiles, mais c'est le reflet de ce
qu'est la justice aujourd'hui", a déclaré Flavie Le Sueur, avant de se
lamenter sur une justice miséreuse, qui travaille "sans écran plat ni
clé USB".
Alors que s'offrait à elle la possibilité de "casser
tout le système", comme lui a fait remarquer le procureur, la
présidente est restée sourde à la complainte des jeunes avocats.
A
22H00, elle a, sans un mot d'explication, rejeté leurs demandes et
condamné le jeune homme à trois mois ferme, sans maintien en détention.
Une condamnation qui devrait dissuader le condamné de faire appel.
Une
décision qui laisse les jeunes avocats aussi "scandalisés" que
"perplexes". Mais, se consolent-ils, il y aura d'autres comparutions
immédiates, "on compte remettre ça...".